Une collecte d’images
Walter Benjamin à la Bibliothèque nationale
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Entre 1927 et 1930 à Berlin, puis de 1934 à 1940 à Paris, Walter Benjamin travaille à accumuler des matériaux pour un projet de vaste envergure : retracer, à partir de l’étude des passages parisiens, une « préhistoire du XIXe siècle ». La rédaction du texte est sans cesse différée, tandis que l’immense corpus préparatoire semble voué à croître indéfiniment, devenant une somme composite de citations que double parfois, à la manière d’une note de régie, une réflexion ou une remarque énigmatique.
Au fil de ses recherches, Benjamin se rend à l’évidence : il faudra que son Livre des passages soit enrichi par des images. Une « documentation visuelle » se constitue bientôt, écrit-il, glanée pour l’essentiel dans les recueils du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, où il travaille pendant son exil parisien. Une centaine de notes témoignent de cette collecte et conservent, enfermée dans leurs plis, la mention d’une ou de plusieurs images qui sont restées pour la plupart inconnues jusqu’ici.
Steffen Haug a voulu retrouver cette réserve enfouie. Gravures et dessins de presse, tracts, réclames, affiches et photographies, de Meryon et Grandville à Daumier, en passant par la cohorte anonyme et le tout-venant de la production visuelle à grand tirage du XIXe siècle : la moisson rapportée ici est surprenante. Elle invite à lire ou relire les Passages en faisant à l’image toute la place qu’elle occupe dans la pensée du dernier Benjamin, à l’heure où s’élaborent, sous la menace de temps assombris, son essai « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique », le projet de livre sur Baudelaire ou ses Thèses sur le concept d’histoire.
Comptes rendus :
- Jean-Didier Wagneur, « Images revenantes de Walter Benjamin », dans Libération, 27 août 2022, liberation.fr/culture/livres/images-revenantes-de-walter-benjamin : « […] Steffen Haug commente toutes les images avec une rigueur exemplaire : contextualisation, mise en rapport, associations, l’auteur documente tout et surtout éprouve les tensions dialectiques fécondes qu’elles portent. […] »
- Beatriz Sánchez Santidrián, dans : Espacio, tiempo y forma. Serie VII. Historia del Arte, no 10, 2022, p. 495-498, revistas.uned.es/index.php/ETFVII/article/view/34430.
- Riccardo Venturi, dans Critique d’art [en ligne], mis en ligne le 1er décembre 2023, publié en ligne en texte intégral en décembre 2023, journals.openedition.org/critiquedart/97799.
Steffen Haug a étudié l’histoire de l’art et la philosophie à Berlin. Il a obtenu son diplôme avec une étude sur le déni d’images dans l’œuvre d’Alfredo Jaar en 2004. En 2006-2007, il a été boursier pré-doctoral au Centre allemand d’histoire de l’art (DFK Paris) dans le cadre du sujet annuel « Fabrication et fiction de la grande ville en France et en Allemagne 1850-1950 » où il a commencé sa thèse de doctorat sur les images de Walter Benjamin. Il a ensuite obtenu une bourse de doctorat de la Humboldt-Universität à Berlin jusqu’en 2010. De 2013 à 2016, il y a travaillé comme assistant académique à l’institut d’art et d’histoire visuelle pour l’édition de lettres d’Aby Warburg. Depuis 2018, il est chercheur associé à l’Institut Warburg à Londres dans le projet « Bilderfahrzeuge – Aby Warburg’s legacy and the future of Iconology », avec un projet post-doc dédié aux journaux d’Aby Warburg sur la Première Guerre mondiale. Le présent ouvrage, Une collecte d’images. Walter Benjamin à la Bibliothèque nationale, est la traduction de sa thèse, publiée en 2017 au Fink Verlag sous le titre Benjamins Bilder. Grafik, Malerei und Fotografie in der Passagenarbeit.