Conférence par Tonio Hölscher, Professeur émérite d’archéologie à l’Université d’Heidelberg

Dans mon livre La vie des images grecques, qui était le sujet de mes conférences dans le cadre de la chaire du Louvre, j’ai tenté de montrer que les images grecques avaient pour fonction de rendre présents et vivants, dans la vie des hommes, les dieux et les héros mythiques, les morts et les élites contemporaines. Une cité grecque n’était pas faite que de citoyens mais aussi de dieux, de héros mythiques et d’aïeux. Les statues de ces membres de la « société conceptuelle » étaient élevées dans les sanctuaires, sur les tombes et dans les espaces dédiés à des activités politiques, de façon à ce que les êtres vivants puissent entretenir avec elles un rapport « social ».

Mon nouveau livre Visual Power in Ancient Greece and Rome va un pas plus loin. Le monde réel de la culture humaine et les formes de la réalité sociale sont en grande part conditionnés par des concepts visuels. L’environnement matériel et les modes de comportement culturels des humains sont élaborés de façon intentionnelle, et les principes de cette élaboration établissent un rapport complexe avec les principes visuels de l’art des images. C’est ce que suggère le sous-titre Between Art and Social Life : les œuvres d’art ne sont pas seules à disposer de la force dans la vie sociale, mais à l’inverse le monde social investit la force des images.

Cette approche théorique est développée dans les sections du livre sous différentes formes. Les chapitres traitent (1) des relations sociales dans l’espace, (2) des monuments de la mémoire dans le temps et (3) de l’auto-représentation des hommes dans la vie sociale. De cette relation réciproque du monde des images et du monde vivant se dégage d’une part une théorie esthétique du « réalisme conceptuel » (4) et de l’autre un complexe entrelacs de règles de l’interaction sociale entre hommes et images (5-6).