Les portails romans en France méridionale et l’histoire de l’art empirique. L’esthétique de la compréhension exhaustive chez Max Raphael
Les portails romans en France méridionale et l’histoire de l’art empirique. L’esthétique de la compréhension exhaustive chez Max Raphael
La sculpture et l’architecture romanes ne peuvent être comprises sans contorsions. Le rapport à l’art de Max Raphael (1889-1952), qui ancre la réflexion théorique dans une expérience physique de l’œuvre, ne saurait être saisi dans toute sa portée sans une approche sensible. Cette corporéité de la compréhension exige à son tour d’être analysée comme l’essence de la figure romane : son expression conduit à la découverte d’un système d’organisation de l’espace. Ce projet de recherche porte sur les textes écrits par Max Raphael lors d’un voyage dans le sud de la France en 1935. Il y associe ses analyses des sculptures romanes au contexte historico-religieux afin de fournir des informations sur l’origine et la fonction de ces œuvres, anticipant ainsi certains aspects de l’iconologie et du débat sur la matérialité.
Si Raphael élabore son édifice théorique de l’architecture romane à partir de l’organisation de la lumière et de l’espace (Zur Ästhetik der romanischen Kirchen in Frankreich), il répond au besoin d’une science empirique de l’art avec ses Études sur les façades romanes en France (version allemande dans Hans-Jürgen Heinrichs et al. (éd.), Das Göttliche Auge im Menschen. Zur Ästhetik der romanischen Kirchen in Frankreich, Francfort-sur-le-Main, 1989). À partir d’une soixantaine d’églises du Sud-Ouest français, dont Fenioux, Valcabrère, Saint-Étienne à Toulouse ou Saint-Bertrand-de-Comminges, Raphael cherche dans l’expérience corporelle des œuvres et l’autopsie l’élément constitutif d’une théorie généralisable en tant qu’histoire de l’art.
Ce projet vise à rendre accessible l’œuvre de Raphael, importante pour la perception de l’art français, en fournissant une traduction française de ces textes écrits dans un allemand complexe et imprégnés par les concepts de la Gestalt. La traduction des textes méthodologiques, assortie d’un appareil critique, et l’édition des quelques études déjà rédigées en français seront accompagnées d’un ensemble d’illustrations faisant partie intégrante de l’ouvrage. Outre le besoin fondamental de se référer aux images pour suivre le discours, l’objectif est d’appréhender de manière sensible et réflexive l’expérience des œuvres qu’avait Raphael : ainsi seulement pourra-t-on satisfaire à l’ambition d’une science de l’art empirique. L’expérience holistique de l’œuvre en tant que « porteuse de spécificité » est une condition de la théorie socio-historique de Raphael.
Pour finir, il s’agira d’inscrire son travail sur la sculpture romane dans le contexte de son époque. L’expérience de voyage de Raphael est pour lui un manifeste de liberté et de plaisir dans la « jouissance de l’unique » en même temps qu’une découverte philosophique du monde, et par là un contre-projet humaniste face aux événements de son temps. Le nouveau voyage qu’il projetait dans le sud de la France et en Espagne depuis son exil new-yorkais montre l’importance de cette expérience sur la voie de l’élaboration d’une science de l’art. Avec son suicide en 1952, celle-ci est restée à l’état de projet. Son ambition de transformer les constats empiriques en un système scientifique n’a toujours pas été réalisée. Ce projet entend apporter une contribution à cet égard.
Projet de recherche
Markus A. Castor
Marthje Sagewitz, Universität Leipzig
Traductions
Katharina Jobst
Film et photo
Samuel Auquier